Depuis de nombreuses années maintenant, la présence de l’Avocat à l’occasion de l’expertise médicale est devenue très fréquente.
Nul ne conteste que l’Avocat ait un rôle prépondérant à jouer dans la préparation psychologique de la victime à l’expertise, dans la communication des pièces du dossier médical et à l’occasion du débat contradictoire avec l’Expert.
Cependant, la légitimité de sa présence à l’expertise est souvent discutée. Elle risque de l‘être plus encore depuis l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de PARIS le 24 février 2022 (Cour d’Appel de PARIS Chambre 2 – 24/02/2022 RG N° 21/12339).
En matière d’accident de la route, la présence des Avocats lors des expertises médicales est très récente.
Avant, l’assistance de la victime, était uniquement confiée au médecin recours à qui il appartenait de préparer le dossier médical et de le transmettre à l’Expert.
Aujourd’hui, les choses ont bien changé.
En effet, c’est à l’Avocat qu’il appartient de préparer de manière exhaustive le dossier médical de la victime, de le transmettre dans le respect du contradictoire aux Avocats présents à la procédure mais également à l’Expert.
Ces dossiers sont listés, les documents médicaux sont classés par « famille » et numérotés.
La présence de l’Avocat à l’expertise médicale ne se discute plus. Les compagnies d’assurance ont également suivi le pas et mandatent (mais pas toujours) leurs Avocats à l’occasion de ces expertises.
Pourquoi l’Avocat a-t-il pris de plus en plus de place lors des expertises?
Plusieurs raisons peuvent expliquer cela. La première est évidente, elle résulte du souci qu’a l’Avocat d’accompagner son client et de le soutenir lors d’un moment qui va s’avérer troublant, stressant et peut parfois même être impressionnant.
La deuxième raison s’explique par la difficulté parfois à trouver des médecins recours disponibles.Il apparait donc indispensable pour l’Avocat d’être présent aux côtés de son client pour le défendre et le représenter.
Dernier élément, au fil des années, l’expertise est devenue de plus en plus technique. Cette technicité du débat se retrouve surtout sur les dossiers de responsabilité médicale.
Depuis la loi du 4 mars 2002 dite loi Kouchner, de nombreuses procédures en responsabilité médicale ont vu le jour.
L’aspect technique et juridique des notions développées par la loi ou la jurisprudence, nécessite inévitablement la présence d’un Avocat spécialisé lors de l’expertise médicale.
Il en est ainsi des notions « d’aléa thérapeutique » ou « d’infection nosocomiale », ou encore de « perte de chance », « de défaut d’information » ou de « préjudice d’impréparation ».
La nomenclature DINTILHAC, outil mis en œuvre par des spécialistes pour des spécialistes du préjudice corporel, a rendu également l’approche de la réparation du préjudice corporel technique.
Cette nomenclature a été validée par les Tribunaux et se trouve aujourd’hui utilisée dans toutes les procédures tant amiables que judiciaires.
Rôle et limite de la présence de l’Avocat lors de l’expertise médicale :
En vertu du principe du secret médical, seul le patient peut réclamer la copie de son dossier médical (article L 1111-7 du Code de la Santé Publique).
Une fois en possession de son dossier, le patient soumettra celui-ci à la sagacité de l’Avocat spécialisé en réparation du dommage corporel qui aura notamment pour mission de faire un « tri » des pièces, de classer celles-ci et de les numéroter.
Au-delà des pièces médicales à proprement parler, seront également réclamées des pièces en rapport avec le préjudice professionnel subi par le patient.
Notre Cabinet a pour habitude depuis de nombreuses années d’adresser à ses clients un modèle de lettre de doléances à compléter, portant sur des questions précises et tenant compte de la nature des lésions traumatiques originelles et de leurs conséquences.
- Ce dossier sera ensuite transmis à l’Expert et à l’ensemble des parties présentes à la procédure.
- On le voit, l’Avocat spécialisé a donc une mission importante à l’occasion de l’expertise.
Il doit non seulement aborder l’aspect médical du dossier mais également ses conséquences directes ou non sur la situation personnelle et/ou professionnelle de son client.
Le dossier médical n’est pas le seul élément qui permette de procéder à l’évaluation des postes de préjudices subis par la victime.
En effet, les déclarations de celle-ci sont également très importantes.
Or, le contexte stressant de l’expertise muselle parfois les victimes, d’où l’importance de la présence de l’Avocat à leurs côtés pour les rassurer d’une part et pour éviter que certains éléments prépondérants puissent être oubliés d’autre part.
Quid de l’examen médical ?
Si la présence de l’Avocat lors du débat contradictoire des postes de préjudices ne pose aucune difficulté, en revanche, il n’en est pas de même de la question de la présence de l’Avocat à l’occasion de l’examen clinique. Cette présence se heurte en effet à plusieurs notions :
- Le respect du principe de la contradiction,
- Le secret médical,
- Le choix du patient,
- Le souhait des médecins,
- La dignité du patient.
Que nous disent les textes en l’espèce ?
Le Code de procédure pénale permet à l’Expert d’accomplir sa mission hors la présence de l’avocat (article 164 du Code de procédure pénale).
L’application de ce texte est cependant limitée à l’instruction pénale. Il ne peut dès lors être retenu pour les autres domaines du droit.
Le Conseil National de l’Ordre des Médecins est divergeant et laisse planer le doute en permettant à la victime de solliciter la présence de son avocat si elle le souhaite.
La loi du 4 mars 2002 dite loi Kouchner, a renforcé les droits des usagers du système de santé.
On peut donc imaginer qu’elle a libéré de l’espace pour la présence de l’avocat à l’occasion de l’examen médical. En pratique, lors de l’examen médical, les avocats sont invités à quitter la pièce pour se tenir à l’extérieur.
Ils sont rappelés ensuite afin de participer au débat contradictoire de l’évaluation médico-légale des postes de préjudices.Cependant, la victime a le sentiment à ce moment précis d’être abandonnée, ce qui surajoute à son stress.
Il est évident que l’avocat retrouvera la plénitude de son rôle à l’occasion du débat contradictoire qui s’établira postérieurement à l’examen médical.
Dans son arrêt susvisé, la Cour d’Appel de PARIS rappelle que l’Expert est tenu de respecter le principe de la contradiction en permettant aux parties de connaître en temps utiles les prétentions respectives de chaque partie.
Pour ce qui est de l’examen médical, la Cour précise que ce dernier doit se faire dans le respect de l’intimité du corps humain, ce qui implique qu’il ait lieu en présence du seul médecin Expert, ce dernier ayant comme obligation par la suite de communiquer aux parties le résultat de ses constatations.
La Cour considère en effet que la présence de l’avocat lors de l’examen clinique nécessiterait parallèlement la présence de l’avocat de la partie adverse.
Or, l’examen clinique, nous dit la Cour, ayant pour objet d’établir des constatations d’ordre strictement médical, ne peut être le lieu d’une discussion juridique et ce, même si la victime souhaite que son conseil soit présent.
La Cour conclut en indiquant que les droits de la victime sont respectés dès lors qu’à la suite de l’examen clinique, un débat contradictoire peut avoir lieu sur la base des constatations faites par l’Expert.
En conclusions, cette décision nous laisse penser que la Cour d’Appel de PARIS n’est pas « pour la paix des ménages ».
En effet, cette décision ne va faire que crisper les rapports humains déjà tendus qui existaient parfois lors des examens médicaux.
Cependant, il convient également de ne pas perdre de vue le caractère singulier de l’examen médical qui demeure avant tout un examen clinique dont la dimension médicale reste prépondérante.
L’avocat doit donc trouver sa place lors de cet examen clinique, ce qui n’est pas toujours évident.Il devra le faire avec subtilité, discrétion et pertinence.
Cette question n’a donc pas fini de faire couler beaucoup d’encre…
Cabinet CONSOLIN ZANARINI
Les Avocats de la réparation du dommage corporel