Selon jugement du 16 mai 2024, le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de PARIS a accordé à une jeune victime l’indemnisation de son préjudice permanent exceptionnel « de rupture identitaire ».
La victime avait subi un grave traumatisme crânien à l’occasion de son travail dont elle conservait des séquelles importantes. Une expertise judiciaire avait évalué son taux de déficit fonctionnel permanent à 83 %. Ce taux tenait compte des séquelles cognitives importantes présentées par la victime à la suite des faits.
Qu’est-ce que le préjudice permanent exceptionnel ?
Selon la nomenclature DINTILHAC, le préjudice permanent exceptionnel se définit comme un préjudice singulier lié au handicap permanent dont reste atteinte la victime, soit en raison de la nature des victimes, soit en raison des circonstances de l’accident.
A titre d’exemple, en 2021, la Cour de Cassation a reconnu l’existence de ce préjudice après avoir confirmé un arrêt de Cour d’Appel qui avait retenu que le préjudice moral, caractérisé par l’angoisse subie par la victime en raison de la présence de fragments métalliques dans son corps et le risque permanent d’évolution de son état de santé, constituait un préjudice permanent exceptionnel distinct du déficit fonctionnel permanent déjà retenu et qu’il pouvait donc recevoir une indemnisation autonome en vertu du principe de réparation intégrale.
Spécificité en cas de traumatisme crânien
- Le préjudice permanent exceptionnel de rupture identitaire (anciennement nommé préjudice de « dépersonnalisation ») se distingue du déficit fonctionnel permanent.
- Le préjudice permanent exceptionnel répare le retentissement permanent particulier subi par la victime.
- Ce préjudice se caractérise par la remise en cause de son identité découlant des séquelles qui résultent du traumatisme crânien grave.
- Ce préjudice se distingue de toutes les composantes habituellement retenues au titre du déficit fonctionnel permanent qui constitue un poste de préjudice autonome.
Le préjudice permanent exceptionnel constitue une atteinte aux sentiments d’identité subjective présentée par la victime.Celle-ci est impactée dans sa sensation d’identité et d’existence.
Cette atteinte est « alimentée » par la mémoire, l’image du corps, le schéma corporel, le rapport à l’espace et à la temporalité, mais également par la relation à l’autre et l’ébranlement des liens sociaux qui s’étaient construits avant l’accident.
La victime se trouve profondément affectée dans les rapports qu’elle entretient avec elle-même et avec le monde extérieur, de telle sorte qu’elle va progressivement se désociabiliser et perdre son autonomie intellectuelle.
En conclusions, l’atteinte de l’image de soi et du sentiment de son identité sociale est en relation avec la perte des savoirs faire acquis antérieurement, des rôles familiaux et sociaux résultant du handicap (cf. « La pensée naufragée » Dr Hélène OPPENHEIM-GLUCKMAN, psychiatre).
La victime va donc errer comme une âme en peine sans véritablement arriver à déterminer qui elle était et qui elle est aujourd’hui avec une sensation d’être « déconnectée du monde qui l’entoure ».
Ce bouleversement identitaire est dû aux atteintes neurologiques et cognitives résultant du traumatisme crânien.
Préjudice de rupture identitaire : jugement du 16 mai 2024
Dans cette affaire, il a été mis en évidence l’existence d’un préjudice permanent exceptionnel de rupture identitaire.
L’Expert judiciaire qui a procédé minutieusement à l’examen de la victime a décrit les séquelles permanentes présentées par celle-ci et a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent important évalué à 83 %.
S’agissant du préjudice permanent exceptionnel de rupture identitaire, l’Expert a ajouté :
« Cet accident a entraîné une profonde modification du projet de vie, du caractère, de la personnalité de la victime… »
Cependant, on ne peut considérer que ce préjudice exceptionnel puisse être englobé dans le déficit fonctionnel permanent.
Le Tribunal a donc fait droit à la demande qui a été formulée au titre du préjudice permanent exceptionnel de rupture identitaire en indiquant :
« …Il convient de relever le retentissement permanent et singulier subi par la victime, cérébrolésée, caractérisée par la remise en cause perpétuelle de son existence et de son identité induite par les séquelles résultant d’un traumatisme grave de nature neurologique.
Madame X produit la consultation d’un neuropsychologue qui indique que Madame X est totalement repliée sur elle-même, isolée du monde extérieur, sans interaction et en proie à une forme d’anesthésie émotionnelle à l’égard des autres.
Sur le plan des affects anxio-dépressifs, on relève un dégoût d’elle-même, de son image ainsi qu’une angoisse liée à sa vulnérabilité. »
Il s’agit là d’une décision particulièrement intéressante qui n’a pas été contestée devant la Cour d’Appel. Cependant, ces décisions sont trop rares.
Ce préjudice, de nature exceptionnelle, doit faire l’objet d’un examen particulier lors du traitement des dossiers et mérite une documentation précise ainsi qu’une argumentation circonstanciée afin de pouvoir la soutenir devant les Tribunaux.
Le Cabinet CONSOLIN ZANARINI demeure à votre entière disposition pour vous renseigner sur tous ces aspects juridiques notamment en cas d’accident du travail.
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