Selon deux arrêts rendus par l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation le 20 janvier 2023, un important revirement de jurisprudence a été opéré. En effet, la Cour de Cassation a considéré que la rente versée à la suite d’un accident du travail n’avait pas pour objet d’indemniser le déficit fonctionnel permanent. Nous allons voir pourquoi cette décision est importante au regard de l’étendue de l’indemnisation des victimes.
Revirement de jurisprudence : la rente versée pour un accident du travail n'indemnise plus le déficit fonctionnel permanent
Dans ces deux affaires similaires, un salarié était décédé à la suite d’une maladie professionnelle.
Les ayants droits avaient obtenu la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Ils avaient alors sollicité une indemnisation complémentaire de leur préjudice en application du Code de la sécurité sociale notamment au titre des souffrances endurées.
Les Cours d’Appels saisies avaient décidé d’écarter les demandes formulées en s’appuyant sur la jurisprudence antérieure en estimant que les souffrances endurées incluses dans le déficit fonctionnel permanent, ne pouvaient faire l’objet d’une indemnisation complémentaire.
La Cour de Cassation considère désormais que la rente versée au titre d’un accident du travail ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.
Dès lors, les victimes d’une faute inexcusable peuvent obtenir une indemnisation complémentaire de leur souffrances endurées sans avoir à établir que celles-ci ne sont pas déjà réparées par le déficit fonctionnel permanent.
Quelle est la nature de la rente accident du travail ?
La réforme du recours des tiers payeurs par la loi du 21 décembre 2006 a posé la question de l’imputation de certaines prestations mal définies dont la rente AT.
Jusqu’à présent, nos Tribunaux considéraient que la rente versée à la victime d’un accident du travail indemnisait d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle et d’autre part, le déficit fonctionnel permanent.
En outre, en l’absence de perte de gains ou d’incidence professionnelle, il était admis que la rente indemnisait nécessairement le déficit fonctionnel permanent.
Il convient de rappeler que la victime d’une faute inexcusable peut solliciter, outre la majoration de la rente, la réparation d’autres postes de préjudices dont notamment les souffrances endurées.
Les implications de la décision de la Cour de Cassation concernant la rente versée pour un accident du travail
Selon les deux arrêts susvisés, désormais, la rente accident du travail ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.
La Cour de Cassation admet ainsi que la rente AT n’indemnise pas les souffrances mais plutôt un préjudice de nature économique.
Par ailleurs, si la victime avait la possibilité antérieurement d’obtenir la réparation des souffrances en prouvant que la rente n’indemnisait pas ce poste de préjudice personnel, cela était pour elle quasiment impossible puisque l’on sait que le déficit fonctionnel permanent est constitué à la fois de l’atteinte physiologique, des souffrances et des troubles dans les conditions d’existence, sans que l’on puisse évaluer chacun de ses aspects.
Dès lors, la victime se trouvait très souvent dans l’incapacité d’apporter la preuve que ces souffrances n’avaient pas été indemnisées.
Quelle conséquence pour les victimes de faute inexcusable ?
L’indemnisation de ces victimes s’en trouve immédiatement améliorée.
La reconnaissance du fait que la rente AT n’indemnise pas le déficit fonctionnel permanent ouvre à ces victimes de nouveaux droits.
Elles pourront ainsi obtenir une indemnisation complémentaire de toutes leurs souffrances endurées notamment celles postérieures à la consolidation.
Au-delà des souffrances endurées, c’est d’ailleurs le DFP dans sa globalité qui pourra désormais être indemnisé dans le cas d’une faute inexcusable incluant ainsi les troubles dans les conditions d’existence et les atteintes physiologiques.
Cependant, si ce revirement de jurisprudence est important, il n’est pas complet puisque demeurent toujours exclus certains préjudices dont notamment l’assistance tierce personne post consolidation.
En outre, la solution retenue par la Cour de Cassation devrait en outre être étendue à d’autres prestations que la seule rente AT, telle que la pension d’invalidité qui sera sans doute prochainement touchée par le revirement réalisé aujourd’hui.
Nous pouvons donc nous féliciter de ce revirement jurisprudentiel au profit des victimes.
Le Cabinet CONSOLIN ZANARINI demeure à votre entière disposition pour vous renseigner sur tous ces aspects techniques notamment en cas d’accident du travail.
N’hésitez pas à nous contacter si besoin.
Les Avocats de la réparation du dommage corporel