Le Cabinet d'avocats en droit des victimes Consolin & Zanarini est régulièrement confronté à l’opposition formée par les assureurs quant à l’évaluation du poste « assistance par tierce personne ». En effet, les compagnies d’assurances mais également les Experts, considèrent que l’évaluation de l’assistance par tierce personne doit se limiter aux besoins essentiels de la vie quotidienne, à savoir manger, boire, s’habiller, se laver, dormir.
Malheureusement, les Juges sont trop souvent enclins à confirmer les conclusions de l’Expert qui, dans la grande majorité des cas, va se borner à évaluer les besoins vitaux que la victime n’est plus en mesure de satisfaire seule en raison du fait dommageable en se contentant d’aborder l’aide humaine sous le seul angle de l’autonomie.
Or, nul ne saurait ignorer que la vie quotidienne ne se limite pas à cela. En outre, il convient de se poser la question de savoir
si le fait de se borner à déterminer les seuls besoins vitaux de la victime ne va pas à l’encontre du principe de réparation intégrale.
Evaluation des besoins et réparation intégrale des préjudices de victimes
La Cour de Cassation, très récemment, a considéré que l’évaluation des besoins d’assistance d’une victime doit se faire au regard de l’ensemble des actes de la vie quotidienne que la victime se trouve dans l’impossibilité de réaliser et pas seulement ceux qui visent à satisfaire des besoins vitaux (Cour de Cassation 2ème chambre civile 10/11/2021 n°19-10.058).
Cette décision apparait importante et doit être explicitée. En l’espèce, le demandeur avait été victime d’un accident de la circulation.
Après expertise, cette victime sollicitait la prise en considération des besoins en aide humaine retenus par l’Expert mais surtout, elle souhaitait que soit retenu le besoin d’assistance par tierce personne pendant son hospitalisation.
Il s’agit là d’une demande régulièrement formée par les Avocats de victime à l’occasion des opérations d’expertise et rejeté dans la majorité des cas.
En effet, les Tribunaux considèrent que certains besoins non abordés à l’occasion de l’expertise, débordent le préjudice personnel subi par la victime et doivent être écartés.
En l’espèce, la victime sollicitait un besoin d’assistance par tierce personne pendant son hospitalisation, notamment pour son linge, la récupération de son courrier, l’accomplissement de démarches administratives ainsi que pour la prise en charge de ses enfants.
La Cour d’Appel a cependant estimé que ces besoins n’entraient pas dans le cadre de l’évaluation de « l’aide humaine ».
La nomenclature des postes de préjudice des victimes
En se positionnant ainsi, la Cour d’Appel s’est donc écartée de la définition donnée du préjudice lié à l’assistance par une tierce personne qui vise à : « aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne ».
Comme je vous l’indiquais ci-dessus, les Experts ont pour habitude de fixer le point de départ des besoins en aide humaine à compter du retour à domicile de la victime.
Avant cela, les Experts considèrent que la victime est intégralement prise en charge durant la période d’hospitalisation.
Foce est de constater effectivement que durant cette période, les besoins vitaux de la victime (manger, s’habiller, se laver, dormir) sont assurés par l’établissement hospitalier.
Pour autant, cette prise en charge ne recouvre pas la totalité des besoins que présente la victime.
Les besoins de la victime et le poste de préjudice lié à l’assistance par une tierce personne
En effet, la victime peut avoir besoin de recourir à une aide complémentaire pour satisfaire d’autres besoins qui, sans présenter un caractère vital, n’en sont pas moins importantes
- relever le courrier,
- payer les factures,
- effectuer des démarches administratives auprès de l’employeur, des organismes sociaux,
- arroser les plantes, s’occuper d’un animal de compagnie, s’occuper du linge, prendre en charge des enfants en bas âge, …).
A l’occasion de l’expertise, cela prête souvent à sourire de la part des Experts ou des représentants de compagnie d’assurances, qui font preuve d’une grande ironie totalement déplacée.
En effet, de nombreuses personnes vivent seules et sont dans l’incapacité de se faire aider mais surtout nous savons que depuis fort longtemps la jurisprudence de la Cour de Cassation considère qu’il convient d’évaluer les besoins de la victime hors toute autre présence (famille ou ami).
La Cour de Cassation a jugé dans l’arrêt susvisé que le poste de préjudice lié à l’assistance par une tierce personne ne doit pas se limiter aux seuls besoins vitaux de la victime mais doit également indemniser sa perte d’autonomie, la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans l’ensemble des actes de la vie quotidienne.
L'approche de la cour de cassation sur le principe de la réparation intégrale des victimes
Cette approche de la Cour de Cassation est à la fois pragmatique car en prise directe avec les besoins quotidiens de la victime, mais également humaine.
La Cour de Cassation rappelle ainsi que le principe de la réparation intégrale doit tenir compte de l’ensemble des activités rendues impossibles par le fait dommageable.
Cet arrêt indique clairement au Juge du fond de première instance ou d’appel, que rien ne les interdit de réviser l’évaluation retenue par l’Expert judiciaire et d’aborder l’évaluation du poste « aide humaine » sous un angle plus exhaustif.