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Le secret medical & l’expertise medical

Le secret medical & l’expertise medical : seul le patient peut délier le médecin de son secret

Le besoin de preuves en matière médicale passe nécessairement par la désignation d'experts, qu'il s'agisse d'évaluer un dommage corporel ou de statuer sur un problème de responsabilité médicale. Elle suppose donc, de facto, l’accès aux pièces médicales du dossier de la victime fondement de son action.

Si l'expert ne peut se voir opposer le secret médical au risque de se trouver dans l'incapacité de mener à bien la mission qui lui a été confiée par le juge qu’en est-il des participants à l’expertise amenés à débattre de la prise en charge, du parcours de soin et de l’information de la victime.

Le principe du secret médical est affirmé par Hippocrate qui l'exprime de la manière suivante : " Admis à l'intérieur d'une maison, mes yeux ne verront pas ce qui s'y passe, ma langue taira le secret qui me sera confié ". Dès lors, le médecin peut-il se délier du secret auquel il est soumis pour produire les pièces médicales de la victime le mettant en cause en matière civile ?


Les faits de l’espece 

Nous avons sollicité pour le compte de l’un de nos clients, la désignation d’un Expert Judiciaire afin de savoir s’il a bénéficié d’une prise en charge conforme ou non aux données acquises de la science à l’occasion d’une intervention chirurgicale lors de laquelle il a subi une neurolyse du nerf fibulaire commun.

Le Juge des référés du Tribunal Judiciaire a subordonné la communication des pièces médicales détenues par les médecins, à l’accord préalable du patient.

Contre toute attente, le praticien mise en cause, a interjeté appel de la décision susvisée prétextant « qu’une telle initiative ne saurait être tolérée car elle contrevient gravement à l’exception jurisprudentielle au secret médical dont doit pouvoir bénéficier le médecin mis en cause, l’autorisant alors à « révéler pour se défendre » …

Le caractere dual du secret medical

La chambre criminelle de la Cour de cassation admet la conception du caractère général et absolu du secret médical depuis l’arrêt « WATELET » du 19 décembre 1885 et de l’arrêt « DECRAENE » du 8 mai 1947.

Par un arrêt du 8 avril 1998, la Haute juridiction judiciaire a ainsi pu juger que : « L’obligation au secret professionnel établie par l’article 226-13 du Code pénal, pour assurer la confiance nécessaire à l’exercice de certaines professions ou de certaines fonctions s’impose aux médecins hormis le cas où la loi en dispose autrement, comme un devoir de leur état, sous cette seule réserve ; elle est générale et absolue ».

Compte tenu du caractère absolu du secret médical, la jurisprudence a subordonné, en matière civile, la levée du secret médical au consentement du patient.

Le secret médical est dual. Il s’agit d’un devoir du médecin et d’un droit du patient. 

Un devoir du médecin

L’obligation au secret médical est proclamée à l’article R.4127-4 du Code de la Santé publique qui dispose : « Le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris”.

Cette obligation a été assimilée à un devoir de se taire du médecin.

Ainsi, dès ses premières applications judiciaires, l’incrimination figurant à l’article 226-13 du Code Pénal a été clairement assimilée à une injonction. 

La jurisprudence a, depuis, constamment assimilé cette disposition à un devoir de se taire. Partant d’une incrimination, elle en a fait une obligation.

Un droit fondamental du patient

Par la loi du 4 mars 2002 KOUCHNER, le législateur a officiellement proclamé le secret médical au rang de “droit de la personne” et l’a inscrit comme tel à l’article L.1110-4 du Code de la Santé Publique : 

« I.-Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d'exercice ou les activités sont régies par le présent code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. »

Cette proclamation législative a une valeur symbolique forte au regard notamment de la hiérarchie des normes.

En effet, au regard des décisions jurisprudentielles divergentes, la loi a inscrit dans le marbre le droit fondamental du patient de voir préserver son secret médical.

Des dérogations sont prévues au secret médical.  Néanmoins, au sein de l’article L.1110-4 du Code de la Santé Publique, le législateur a fait précéder l’indication des dispositions couvertes par le secret médical de l’expression “excepté dans les cas de dérogations expressément prévus par la loi”.

La jurisprudence a admis plusieurs exceptions au secret médical dont la recherche de la vérité judiciaire.

Ainsi, seuls les éléments nécessaires à la recherche de la vérité peuvent être produits en violation du secret médical.

Le consentement préalable du patient sur la nature des pièces que souhaite transmettre le médecin est in fine indispensable.

En ce sens, la première chambre civile de la Cour de cassation indique que le secret médical ne peut être levé dès lors que la personne concernée s’est opposée à la communication de son dossier.

Tel n’est pas le cas en procédure pénale où le médecin peut invoquer l’exception de “révéler pour se défendre”.

Cette divergence s’explique notamment par le fait que la victime demanderesse détermine l’objet du litige qu’elle porte devant le juge civil. Il lui appartient donc de rapporter la preuve de ce qu’elle allègue. Le juge peut tirer toutes les conséquences du défaut de productions des pièces médicales invoquées par le patient.

En matière pénale, c’est la société – par le truchement du Ministère Public – qui poursuit celui qu’il estime auteur d’une infraction pénale de violation du secret médical. Le prévenu, pourra, dans le cadre des droits de la défense pénale, être délié, par exception, de son obligation de protection du secret médical.

A contrario, dans le cadre d’une expertise médico – légale civile, la Cour de Cassation a rappelé que commet un délit pénal, la personne révélant une information à caractère secret portée à sa connaissance en raison de sa profession ou de son état, au titre de sa fonction ou d’une mission temporaire.

La Haute juridiction judiciaire rappelle les apports de la jurisprudence civile dans cet arrêt en soulignant qu’il ne peut y avoir de communication forcée de dossiers médicaux ordonnée par un juge lors d’une expertise judiciaire, bien que le patient partie à un procès soit tenu de prêter concours à cette mesure conformément aux articles 10 et 11 du Code de Procédure civile.

La Cour de cassation établit ainsi un cadre afin de protéger le respect du secret professionnel tout en préservant l’équilibre des droits des défendeurs. 

Si le patient n’a pas levé le secret médical en donnant son accord à la transmission d’un document relatif à sa santé à l’Expert désigné, le juge peut tirer toutes les conséquences de son refus lors de l’examen de ses prétentions si son opposition ne tend pas au respect d’un intérêt légitime.

En somme, seul le patient peut délier le médecin de son secret. 

C’est la position que nous avons soutenue devant la Cour d’appel dont l’arrêt doit intervenir dans les prochains mois. 

Notre Cabinet demeure à votre disposition pour vous apporter tous renseignements complémentaires utiles à ce sujet.

 

Cabinet CONSOLIN ZANARINI

Les Avocats de la réparation du dommage corporel

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