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Accident entre un tramway et un piéton

Dans un arrêt récent de mai 2020, de la Cour de Cassation, la Haute Juridiction a indiqué que la loi du 5 juillet 1985 dite Loi Badinter, n’est pas applicable au heurt d’un piéton par un tramway dès lors que le point de choc n’est pas situé sur le passage piéton mais sur la partie de voie empruntée par le tramway.


Piéton heurté par un tramway

Les faits sont simples : en 2012, une personne a été heurtée par un tramway et a assigné la société de transport et son assureur afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

Déboutée par la Cour d’Appel au motif que la Loi Badinter ne s’appliquerait pas au tramway circulant sur une « voie propre », cette victime s’est pourvue en cassation.

Elle soutenait que les tramways sont exclus du champ d’application de la loi du 5 juillet 1985, uniquement s’ils circulent sur une « voie propre » rendue inaccessible aux piétons et aux autres véhicules dans la totalité de leur parcours de circulation.

Selon la victime, la Cour d’Appel aurait ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, relative à la nécessité que la voie de circulation du tramway soit « propre » à l’endroit de l’accident.

La Cour de Cassation a donc dû s’interroger sur la notion de « voie propre » visée à l’article 1er de la Loi Badinter.

A quel moment une voie empruntée par un tramway perd son caractère de « voie propre » ?

Doit-on apprécier ce caractère de « voie propre » sur tout le trajet du véhicule ou sur une simple portion de voie où s’est produit l’accident ?

Pour la Cour de Cassation, le caractère propre d’une voie de tramway doit s’apprécier à l’endroit même où a eu lieu l’accident.

Ce raisonnement tient compte du fait que la Loi Badinter exclue certains véhicules terrestres à moteur en estimant que ceux-ci, en circulant sur une voie qui leur est exclusivement dédiée, ne participerait pas aux risques de circulation normaux. Il s’agit notamment des tramways et des chemins de fer.

Ces véhicules circulent, en principe, sur des voies qui leurs sont propres en ne partageant pas les voies publiques empruntées par les autres usagers.

Depuis longtemps, la Cour de Cassation a décidé que les chemins de fer circulaient toujours sur une voie qui leur est propre, y compris lorsqu’ils traversent un passage à niveau empruntés par d’autres usagers de la route.

En ce qui concerne les tramways, la Cour de Cassation est moins radicale.

Ceci s’explique par le fait que les conditions de circulation des tramways en milieu urbain sont plus ouvertes que celles de chemins de fer et exposent donc les usagers et les piétons aux risques d’accident;

Ainsi, pour ce type de véhicule, la Cour de Cassation opère une distinction selon que la voie est strictement propre ou partagée.

La Loi Badinter ne s’applique pas aux tramways qui circulent sur une voie dont le caractère propre ne souffre d’aucune contestation (voie constituée d’un côté par un trottoir et de l’autre par une ligne blanche ou séparée par un terre-plein).

En revanche, la Loi Badinter a trouvé application en présence d’un accident impliquant un tramway dans le cas où la voie n’était pas exclusivement propre (civile 2ème chambre 06/06/1987) mais n’a pas posé de règle générale, ce qui a contribué à alimenter la controverse.

En 2011, la Cour de Cassation a mis un terme à ces divergences et a choisi de maintenir la distinction entre les voies strictement propres et les voies communes.

Une voie propre est une voie qui est totalement inaccessible aux autres usagers.

La victime pourra demander une réparation de ses préjudices sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985

Ainsi, la Cour de Cassation reconnait que certains tramways peuvent circuler parfois sur des voies qui ne leur sont pas spécifiquement dédiées et dans ce cas, la victime pourra demander une réparation de ses préjudices sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.

Dans le cas qui nous occupe, la victime considérait qu’il convenait de tenir compte de l’endroit de l’accident pour déterminer si la voie était propre ou non.

La Cour de Cassation a rejeté le pouvoir en précisant que le caractère propre de la voie s’apprécie au lieu exact de l’accident et non sur l’examen de la voie globale empruntée par le tramway.

Peu importe qu’à un moment donné, sur son itinéraire, le tramway traverse un carrefour ou que sa voie soit coupée par un passage piéton.

En l’espèce, l’accident a eu lieu sur une portion de circulation propre aux tramways et totalement fermée aux usagers.

Elle considère ainsi que la loi du 5 juillet 1985, dite Loi Badinter, est exclue.

Enfin, la Cour de Cassation constate, comme l’avaient fait avant elle les Juges d’appel, que le point de choc ne se situait pas sur un passage piéton, mais sur la partie de voie propre du tramway après celui-ci.

En effet, la victime avait été heurtée par le tramway sur une partie de la voie strictement propre à la circulation de celui-ci.

En toute logique, la victime ne pouvait dès lors pas obtenir de réparation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.

La Cour de Cassation maintient donc sa conception stricte de la notion de voie propre, voie qui doit être matériellement délimitée et précise que ce caractère s’apprécie à l’endroit exact où le choc s’est produit.

En conclusion, force est de constater que certains véhicules terrestres à moteur alimentent encore le contentieux des accidents.

Le débat n’est donc pas clos…

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