Qu'est-ce que le préjudice permanent exceptionnel de rupture identitaire ?
Le préjudice permanent exceptionnel de rupture identitaire est une notion issue de la nomenclature Dintilhac. Il vise à indemniser la victime lorsque celle-ci subit, de manière permanente, une atteinte atypique à son identité et à son existence, distincte du déficit fonctionnel permanent.
Le 16 mai 2024, le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de PARIS a accordé à une jeune victime l’indemnisation de son préjudice permanent exceptionnel de rupture identitaire.
Cette jeune victime avait présenté un grave traumatisme crânien à la suite d’un accident du travail alors qu'elle était encore qu’une simple apprentie.
Les séquelles résiduelles particulièrement importantes avaient conduit l’Expert à évaluer son déficit fonctionnel permanent à 83 %.
En effet, l’Expert judiciaire avait pu constater :
- Un syndrome cérébelleux,
- Une dysarthrie,
- Des troubles de la marche,
- Des troubles cognitifs, …
La reconnaissance du préjudice permanent exceptionnel dans la nomenclature Dintilhac
La notion de préjudice permanent exceptionnel est prévue par la nomenclature DINTILHAC.
Cependant, ce type de préjudice est rarement reconnu par la jurisprudence.
En effet, il s’agit d’un préjudice atypique dont reste atteinte la victime de manière permanente soit en raison de la nature même de la victime, soit en raison des circonstances singulières de l’accident à l’origine du dommage.
A titre d’exemple, la jurisprudence a retenu ce poste de préjudice pour une victime sur laquelle avait été constatée la présence de fragments métalliques pouvant conduire à son décès à tout moment, ce qui générait sur celle-ci un préjudice d’angoisse particulièrement important.
Ainsi, le Tribunal avait pu accorder à cette victime la réparation de ce préjudice permanent exceptionnel tout en lui accordant la réparation de son déficit fonctionnel permanent, poste de préjudice autonome et indépendant.
La Cour avait donc appliqué strictement la nomenclature, en considérant que les deux postes de préjudices pouvaient être indemnisés simultanément, dès lors que chacun d’eux étaient suffisamment caractérisés.
Comment définir le préjudice de rupture identitaire ?
- Comment dès lors peut-on définir le préjudice de rupture identitaire dans le cas d’une victime atteinte d’un traumatisme crânien ?
- Par ailleurs, comment distinguer ce poste de préjudice exceptionnel du déficit fonctionnel permanent ?
Le préjudice de rupture identitaire vise à réparer le retentissement permanent et particulier subit par la victime cérébrolésée et caractérisé par une remise en cause permanente de son existence et de son identité qui résulte des séquelles traumatiques graves de nature neurologique.
Nous pouvons constater que ce poste de préjudice se distingue des composantes habituelles que l’on retrouve au titre du déficit fonctionnel permanent.
Selon les spécialistes, la victime subit une atteinte dans sa sensation d’identité et d’existence.
Ainsi, l’image du corps, le schéma corporel, le rapport à l’espace et au temps, l’altérité, sont affectés et compromettent durablement l’évolution de la victime dans le monde qui l’entoure.
Ces troubles empêchent la victime de se sociabiliser normalement et mettent en péril son autonomie.
Le handicap subit constitue un frein dans les relations avec les autres mais également avec soi-même.
Le trouble de la conscience de soi est permanent à tel point que la victime est dans l’incapacité de donner un sens à son existence.
La victime a l’impression de ne pas exister.
Ce bouleversement identitaire s’explique par l’importance des natures neurologiques et cognitives graves.
A cause de celles-ci, la victime ne peut plus garder le rapport qu’elle pouvait avoir avec le monde extérieur ou avec elle-même.
L’application concrète : l’affaire jugée en mai 2024
Dans l’affaire visée ci-dessus, l’Expert a non seulement évalué le déficit fonctionnel permanent de la victime à 83% mais il a en outre accordé l’existence d’un préjudice exceptionnel de rupture identitaire, indiquant :
« cet accident a entrainé une profonde modification du projet de vie, du caractère de la personnalité de la victime… »
Ainsi le Tribunal a pu accorder en réparation de ce poste de préjudice exceptionnel la somme de 30.000 € à la victime.
La tendance qui consiste à étendre ce type de préjudice, constitue une avancée certaine pour les victimes.
