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L’indemnisation de la tierce personne

La victime qui réclame une indemnité au titre du besoin en tierce personne, qu’elle soit temporaire ou définitive, doit elle apporter la preuve des frais concrètement engagés à ce titre ? C’est à cette question que la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a répondu aux termes d’un arrêt rendu le 22 mai 2024.


Quelle preuve pour l’indemnisation du besoin en tierce personne ?

Le poste de préjudice de tierce personne, qu’il soit temporaire ou définitif (c’est-à-dire viager), recouvre-t-il uniquement le besoin en tierce personne évalué par l’Expert à l’occasion de l’expertise ou la victime devra-t-elle concrètement démontrer la nature des frais engagés pour subvenir à ce besoin en tierce personne ?

Accident de la circulation : contexte du besoin en assistance humaine

Dans l’affaire qui nous occupe, une jeune femme est victime d’un accident de la circulation. Elle est donc soumise à une expertise médicale qui va faire état d’un besoin en tierce personne temporaire jusqu’à la date de consolidation. Dans la nomenclature Dintilhac, ce poste de préjudice est inclus dans la rubrique « frais divers » où il est envisagé parmi les « dépenses destinées à compenser des activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par les victimes directes durant leur maladie traumatique ».
L’évaluation du besoin en tierce personne répond aux problèmes d’autonomie et/ou de dépendance de la victime et ne se limite pas aux personnes lourdement handicapées.
Dans notre affaire, la victime sollicitait donc l’indemnisation de ce besoin en tierce personne devant la Cour d’Appel.

Décision de la cour d’appel

La Cour d’Appel va décider de rejeter la demande formulée par la victime au motif que « s’il ne peut être contesté que la victime bénéficie d’un droit à indemnisation estimé par l’Expert, celui-ci ne peut résulter que d’un dommage effectivement subi par la victime qui doit en justifier ».

Décision de la cour de cassation

La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation va décider de casser l’arrêt rendu par la Cour d’Appel, non sans rappeler que ce qu’il convient d’indemniser est le besoin en tierce personne. Ces besoins d’assistance en tierce personne ne sont pas limités aux seuls actes essentiels de la vie courante (savoir se laver, se vêtir, se nourrir, …). Les besoins en aide humaine dépassent le simple droit à la santé et à la survie de la victime et recouvre tous les droits individuels : dignité, liberté, sécurité, droit de circuler librement, droit à la vie privée et familiale.
La victime n’a donc pas à justifier de frais qu’elle aurait concrètement exposés pour ce poste de préjudice.
L’indemnisation de la tierce personne n’est donc pas subordonnée pour la victime à la nécessité impérative de produire des justificatifs de dépenses engagées à ce titre.

Jurisprudence favorable aux victimes

Dans cet arrêt, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation va dans le même sens que les précédents arrêts rendus par la première Chambre Civile (Cassation 1ère CC 13/07/2016 n°15-21699) mais aussi la seconde Chambre Civile (Cassation 2ème CC 15/01/2015 n°13-2776, Cassation 2ème CC 17/12/2020 n°19-15969). En effet, ces deux chambres civiles ont eu l’occasion d’affirmer à de nombreuses reprises le même principe. La Chambre Criminelle rappelle donc ce principe largement favorable aux victimes et à leurs familles notamment pour que l’aide familiale continue à être indemnisée au même titre que l’aide apportée par certaines associations. A ce titre, il convient de rappeler que le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être réduit en cas d’assistance familiale (Cassation 2ème CC 04/05/2017 n°16-16.885).

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